7 juillet 2014

Ils ont fait le job…en traversée

Ca y’est Ti’Amaraa est aux Canaries. Un peu comme l’arrivée à Namche Bazar, la Mecque des summiters, lors de notre treck vers le camp de base de l’Everest, cet archipel représente une étape mythique pour un bateau candidat au voyage. Nous avons beaucoup lu sur ces îles, cette escale…et nous y voilà. Ti’Amaraa flotte paisiblement au mouillage de Playa Francesa au pied de la Montana Amarilla. Notre Everest approche, nous commençons à sentir le doux souffle de l’alizée sur nos frimousses impressionnées.



Mais n’allons pas trop vite, nous vous avions laissé à Rabat.
Le bateau a été préparé, l’équipage aussi, la météo checkée…Il ne restait plus que les formalités de sortie. La veille de notre départ, visite surprise à 22h30 du chef de la Police du Port : « Oui ?... ».C’est juste pour nous informer qu’une équipe cynophile montera à bord le lendemain matin vers 7h/7h30 pour un contrôle. « OK.. »
A 7h pétantes, un gars vêtu de noir tel un expert de série télé déboule sur le ponton avec un gros chien assorti : Man & Dog in Black.


Le chien monte par les marches tribord. Et là, stupeur ! A croire que Man in Black l’a fait patauger pendant des heures dans la boue avant d’arriver. Le plat bord arrière est constellé de coussinets marrons. En plus Dog in Black a la trouille, il recule, il piétine sur la jupe arrière…Bref, il pourrit tout.


Nous essayons de ne rien laisser paraître mais on se mort l’intérieur de la joue. On a passé la journée à le mettre comme un bonbon not’ Ti’Amaraa ! On image déjà Doggy monté et sniffé les coussins du carré, les lits… Aaarrrhhh…et tout ça pour chercher des explosifs… A-t-on vraiment l’air de terroristes ? Quoique nos regards doivent être un brin explosifs …
Transmission de pensées ou expression in fine bien lisible sur nos sourires de façades, Man in Black arrête tout. Il dit que ce n’est pas la peine, fait redescendre son partenaire aux pattes boueuses et s’excuse du dérangement. « Non, ce n’est pas grave…Allez, Au revoir… »
On se marrera bien de cet épisode ….enfin, après avoir tout nettoyé.
Ti’Amaraa peut alors reprendre le chenal du fleuve Bouregreg toujours accompagné du pilote de la marina, puis passe la digue. « Oh Capitaine, mon Capitaine, let’s go to the Atlantic ! ». S’en suit une belle traversée de 4 jours et 3 nuits.



Cet article s’appelle « Ils ont fait le job » car nous souhaitons en profiter pour lister et souligner ici les équipements qui nous semblent indispensables pour ce type de traversée.

·         Le pilote automatique ou un ami qui nous veut du bien :
Ah Nestor ! Notre chauffeur, notre pilote ! Il nous a donné quelques sueurs froides jusqu’à sa halte technique au Portugal, mais depuis il s’est largement fait pardonner. C’est une merveille ! Il est d’une constance étonnante. Nous avons eu des mers peu faciles (de face, de travers) lors de cette traversée et il est resté imperturbable. Même dans des creux de plus de 2 mètres de travers par trois quart arrière, il n’a pas failli. A aucun moment, nous avons dû prendre le relai à la barre. Merci Nestor ! Les quarts sont nettement plus cool avec un bon pilote.
En plus, quel silence ! Juste un petit bruit de vérin dans la coque babord. Rien à dire…
La consommation électrique est aussi super faible si l’on définit un taux de réponse inférieur à 3. Bien sûr, lorsque les conditions se compliquent, il faut augmenter à 5 voire 6 mais au vu des services rendus, il peut bouffer quelques ampères de rab’. On est prêts à se passer d’une recharge de tablette numérique pour le coup.

·         Le radar ou des yeux de chat dans la nuit noire :
Autant pour le dégolfage comme pour Gibraltar l’AIS avait été suffisant et précieux. Sur les cotes marocaines, la mode ne semble pas être à l’utilisation de cet équipement. Nous croiserons les 2 premières nuits beaucoup de bateaux mais quasi aucun avec un écho AIS. Quelquefois même, les éclairages de nav’ étaient plus que défaillants. C’est dans ces moments là que l’on est content que le radar prenne le relai et décrypte ce que nos yeux peinent à interpréter…et en particulier les trajectoires anarchiques des bateaux de pêche tous feux éteints (…s’ils ont des feux ??).
Le radar donne aussi des informations quant aux orages/grains en approche. Nous vivrons nos premières pluies de nav’. Rien de bien méchant. Mais c’est tout de même sympa de le voir arriver et d’anticiper un éventuel coup de vent.



Notre radar nous aura aussi permis de croiser la route du Black Pearl. Vous savez celui de Jack Sparrow ? Comment ? Super simple !!
Un début de soirée entre chien et loup, un écho radar représente un bateau qui va couper notre route perpendiculairement à moins d’un mile nautique. A cette distance, on ne peut pas ne pas le voir ainsi que ses lumières…Mais rien… Un vaisseau fantôme… L’echo radar (de plusieurs centimètres sur l’écran) s’est progressivement éloigné sur notre Babord…On le cherche encore…
Compte tenu du cap suivi, il faut croire que le prochain opus de Pirates des Caraïbes sera Pirates en terres berbères….Sympa !!! (Et à toutes les mauvaises langues qui sourient déjà : non, jamais d’apéros en nav, on vous jure !!!)

·         Le tour de cockpit ou notre véranda vue sur mer :
Nous avons longtemps hésité avant de choisir cette option, mais nous ne le regrettons pas. Quel plaisir de passer les grains dehors mais au sec, les quarts de nuit à la vigie sans être balayé par les vents et les embruns !
En traversée, comme en escale d’ailleurs, nous profitons beaucoup plus du cockpit grâce à cette option.

·         Les fichiers Grib ou notre Evelyne Dhéliat numérique en moins sexy :
Via Zygrig ou Weather 4DPro, nous avions téléchargé nos fichiers météo et préparé notre route. Nous avons été bluffé par la précision des prévisions sur cette nav’ plus océanique. Les effets de cotes et de caps disparaissant, nous avions des données précises et justes tant en direction/angle qu’en vitesse. Le bon vent était annoncé pour minuit. Il est arrivé à 0h30…C’est rassurant aussi !

·         Les voiles ou comment jouer avec le vent  :
Avoir une petite Grande Voile :
Et oui, nous avons souvent entendu : « Ah oui, mais elle est vachement petite votre GV ».
Et bien, on peut vous garantir aujourd’hui, qu’avec des creux et du vent (ce qui est tout de même assez fréquent en mer), galoper sur un roof rigide avec un bon antidérapant pour aider à la descente des 2/3 derniers chariots d’une petite surface de voile résiduelle est déjà générateur de pas mal d’efforts.
A chaque fois, nous avons une pensée pour les équipages en équilibre sur des biminis souples avec leurs grandes surfaces de Grandes Voiles essayant de s’accrocher avec les pieds tels des perroquets à leurs perchoirs. Ca doit sacrément muscler les orteils et les avant-bras.
Nous ne sommes définitivement pas au niveau…

Quel bonheur de lâcher légèrement la balancine et de pouvoir « travailler » avec un lazy bag généreux (TAROT) à la hauteur d’un établi sur un « sol » plat et stable.
Ferler sa Grande Voile ou démêler une bosse de ris sont un plaisir !



Le « petit » Génois (de chez « Incidences » aussi comme la GV) s’est montré très gaillard au près à 40° du vent les 2 premiers jours malgré une mer de travers peu propice. Appuyé avec un moteur, il nous a permis de maintenir le cap voulu tout en augmentant notre vitesse moyenne.
Grande voile et Génois nous ont ainsi offert des conditions de vie à bord confortables, bien loin de nos souvenirs de nav’ au près sur notre monocoque. Cuisiner, manger et faire ses quarts à plat sont un luxe que nous apprécions à sa juste valeur.

Puis, lorsque l’angle du vent à franchi la barre des 90° (par rapport à l’axe du bateau), nous avons pu redonner du service à notre voile Turbo. Aaah le Code Zéro TAROT! Il est beau, il est puissant…On la kiffe cette voile.
Avec un vent réel d’une bonne vingtaine de nœuds rafales à 30, nous avons filé vers les Canaries à plus de 8 nœuds de moyenne. Cela nous aura permis de rattraper le « retard » pris lors des jours au près.

Les manœuvres de Code Zéro, Grande Voile et Génois sont très faciles à réaliser en équipage réduit.
Le + : le renvoi de l’enrouleur de Génois au poste de barre. Quel plaisir de nuit depuis son poste de « vigie », lorsque le vent forcit d’enrouler sereinement un peu de génois par une simple pression sur un bouton avec son orteil sans avoir à sortir de la zone protégée qu’est le cockpit….Vous voyez qu’on utilise nos orteils nous aussi.

Par ses remarques, vous aurez compris que la Voile est pour nous un état d’esprit et de voyage. Nous n’avons jamais appris la théorie. Nos réglages ne sont certainement pas optimums…Mais bon, comment dire ?… On s’en fout… et comme dirait Souchon : « On avance, on avance. On n’a plus assez d’essence pour faire la route dans l’autre sens »

·         Open CPN & SAS Planet ou Chapeau Messieurs les développeurs pour ces logiciels gratuits :
Sur le traceur Raymarine au poste de barre, nous n’avons pas les cartes de détail des Canaries. Pour l’approche vers le mouillage, nous avons utilisé notre PC portable spécialisé pour la navigation équipé de 2 logiciels gratuits : OPEN CPN & SAS PLANET. Et ce fut capital !
Nous sommes en effet arrivés à l’entrée du chenal entre Lanzarote et La Graciosa au  coucher du soleil



A l’arrivée dans l’anse de la Playa Francesa, il faisait nuit. Nous avons rapidement distingué 4 feux de mouillage mais la nuit, relativement claire, nous laisse discerner plus de 4 bateaux. Certains sont donc non signalés : pas cool…surtout dans cette baie réputée pour l’arrivée des bateaux en provenance de Gibraltar et du Maroc à n’importe quelles heures... Bref…
Nous décidons donc de mouiller à l’écart plus au Sud loin des ombres suspectes. Merci SAS et OPEN CPN !! Les 2 combinés nous donnent des informations précises sur la profondeur et le dessin de la côte. C’est la première fois que l’on mouille de nuit dans une baie inconnue, et par 20/25 nœuds de vent, tant qu’à faire. On fait confiance aux données, tout en balayant avec le gros spot à LED à l’avant pour être sûr. Tout se passe sans problème. On se tient à une distance raisonnable du bord : environ 150 mètres d’après l’image satellite de SAS. L’ancre accroche immédiatement. Le compteur de chaîne semble confirmer les profondeurs annoncées sur notre écran. Le bateau tient bien. Allez un pt’it diner : Aux Canaries, c’est ravioli !! ben oui mais à plus de 22h et la traversée dans les pattes, on n’a pas eu envie de beaucoup mieux. Direction le lit, demain il fera jour, paraît-il …
Le lendemain matin nous nous éjecterons du lit de bonne heure trop excités de voir où nous sommes !! On découvre tout d’abord émerveillés le panorama magnifique tout d’ocres et de marrons de cette plage déserte. Il y a 6 bateaux au mouillage (on a les noms des 2 économiseurs de lumière).
N’y tenant plus, le Cap sort son télémètre pour vérifier la distance réelle qui nous sépare de la côte : 140 mètres…Yes !! Le Cap enfilera aussi son kit PMT pour vérifier l’ancre et la profondeur. Tous les paramètres sont cohérents avec les infos de la veille.
C’est rassurant là aussi de savoir que l’on peut s’appuyer sur ces données numériques. Ca n’enlèvera jamais bien entendu le sens marin mais un p’tit coup de pouce ne fait pas de mal.

·         La cinnarizine ou la came de la Cap’ :
Ce détestable Voldemort n’est pas resté comme nous l’espérions sur les côtes européennes. Il s’est attaqué à la Cap’ au départ de Rabat, la laissant pour la première fois dans un état « proche de l’OHAIO ». Ce coup-ci c’est décidé, on teste ce médicament, cette fameuse molécule que certains navigateurs nous ont recommandée pour lutter contre les effets du mal de mer, histoire d’arrêter de côtoyer cette bile débile. Marre du tête à tête avec le seau bleu…

Dans un article précédent (libellé : santé), nous avions déjà parlé de ce médoc et surtout de la façon dont on s’en est procuré car il n’est plus distribué en France.

Après un petit somme sur la banquette du cockpit, une amélioration commence à se faire sentir. L’état général de la Cap’ s’arrange.
Comme on connait ses démons, on les honore, la prochaine fois on testera la prise du Stugeron avant le départ et avant les effets, surtout après une période assez longue à terre. Si seulement ça pouvait chasser cette « gueule de bois » du premier jour de nav…


Bon, et dans tout ça, qui n’a pas fait le job ?
Il faut bien un mauvais élève. Pour le moment, le bonnet d’âne est sur le capot du dessal.

Depuis l’arrivée sur Rabat, il refuse de produire de l’eau. L’équipe technique en France est sur le coup. On espère bien être dépanné aux Canaries. Nous vous tiendrons informés des résultats de l’élève Sea Recovery. En attendant avec l’option 2ème cuve d’eau, nous avons 600 litres d’autonomie. Cela va nous permettre d’attendre…un peu…

Ti’Amaraa est donc aux Canaries pour les 4 prochains mois avant de repartir vers son premier objectif : les Antilles, probablement via le Cap Vert.
4 mois, le temps pour nous de nous occuper des aspects techniques/SAV, de profiter de la famille et de gérer nos affaires (et notre avenir) en Métropole.

Amis lecteurs, famille et proches : merci à tous pour votre suivi, vos messages et vos encouragements.

Pour répondre aux premières demandes relatives au bateau d’hôtes, le projet est toujours d’actualité. L’activité pourrait démarrer aux Antilles au printemps prochain (2015). Nous entamons la phase de publicité. On vous confirmera tout ça en temps utile.

En attendant, bon été à tous et à très bientôt pour la suite du Voyage de Ti’Amaraa.



1 commentaire:

Unknown a dit…

Merci pour cet article fort intéressant. J'aurais deux questions pour vous la première étant! Je n'ai aucune expérience en navigation, j'ai bien touché quelque peu à l'aviation et je comprend l'effet du vent sur une voilure mais, est-il envisageable pour moi d'opérer les commandes d'un catamaran seul, aidé uniquement de mon épouse, qui elle nom plus n'y connait strictement rien. Comme nous envisageons la possibilité de sillonner les mers du sud dans une embarcation similaire à la vôtre, ma deuxième question étant, avez-vous eu recourt à personne qualifier pour vous aider lors de votre traversé de l'Atlantique. Ça fait déjà quelques années que je compare les différents armateur qui construire des catamarans et les Lagoons sont nettement en tête de liste, pour l'instant, pour une acquisition éventuel. Merci beaucoup d'entretenir en nous ce rêve qui pour vous est votre quotidient.