16 août 2016

Dans le bleu Épisode 1: Los Roques

''La beauté est dans les yeux de celui qui regarde'' Oscar Wilde .
Ce brave homme n'a certainement jamais erré du côté de l'archipel des Roques.


Situés au large du Venezuela,  ce chapelet d'îlots désertiques est accessible aux ''happy few'' qui n'ont pas écouté le chant des sirènes des pontons déconseillant de s'approcher de cette zone à fort risque.
Effectivement, la situation politico-economique du Vénézuela est très compliquée. Associé à la gangrène savamment orchestrée par les narcotrafiquants, le pays traverse une terrible crise. La population souffre. Les files d'attente s'allongent devant les rares échoppes ayant des vivres à vendre. La monnaie nationale, le bolivar dévalue à vue d'oeil, et la valeur des biens aussi. À ce jour, 1 Us dollar correspondant à environ 800 bolos. Un kilo de viande correspond à un tiers de SMIC mensuel. Une hérésie !
Ceci génère un affreux climat rendant toute excursion touristique dangereuse. Des actes de pirateries sur des bateaux de plaisance ont même eu lieu encore assez récemment près des côtes continentales. Pour se donner une idée, de la nourriture et du papier WC ont, entr'autres, été dérobés aux plaisanciers.
Où va ce pays ?
Certaines zones sont donc à proscrire des programmes de navigation compte tenu de leur proximité avec le continent et donc de leur accessibilité pour les âmes mal attentionnées.

Cependant, l'archipel des Roques est suffisamment éloigné (70 à 80 nm) des turpitudes continentales pour espérer pouvoir y séjourner paisiblement. C'est du moins sur cette hypothèse que nous avons misé. 
C'est donc plein d'interrogations que nous avons approché les côtes de Gran Roque.
L'Imperator Parasailor aidant, nous avons rapidement avalé les 360 nm...Trop vite même, car pour rajouter du piment, c'est de nuit que nous avons réalisé notre premier mouillage. Éclairés par une lune pleine resplendissante, nous avons pu voir notre ancre se poser délicatement sur le fond de sable blanc à une heure du mat.
''Euh...elle est où l'eau ?''
Jamais nous n'avions vu aussi translucide.  Magique... De bonne augure pour les prochains jours. 
Dès le lendemain, nous lançons nos radars de mauvaises ondes en acquisition ... Rien, Nada, un gros ''Que dalle''.
La vie bat son plein. Et contre toute attente, nous sommes entourés de yachts et voiliers venezuéliens. En effet, compte tenu de la situation intenable à Caracas et ailleurs la bourgeoisie locale émigre aux Roques pour vacances et week-ends.
Les barques de pêcheurs, les water taxis et les vedettes rapides se côtoient sur le plan d'eau. Tout le monde semble se respecter.
De même, personne ne fait cas des (très rares) bateaux de voyage que nous sommes. Il y a de la place pour tout le monde par ici et chacun vie sa vie. Personne ne cherche à nous vendre ni à nous taxer quoique ce soit. Ça nous change des boyboats antillais...

Quant aux formalités, nous avions beaucoup lu à ce sujet, et noté LA procédure à suivre.
N'en faites rien, ça change d'une année à l'autre voire d'un bateau à l'autre.
Nous avons eu la grande chance d'être attendu et accompagné par un charmant couple de navigateurs français: Nicole et Michel sur leur Seayousoon. Prévenus de notre arrivée par un bateau copain commun, ils n'ont pas hésité à patienter quelques jours pour nous débriefer sur leur circuit d'arrivée. Que demander de mieux !!!
Merci les Afrodite pour le relais.
Top le ''clearance tour'' by Seayousoon !!! Merci les amis !


Pas moins de 5 bureaux à visiter disséminés sur l'île: Gardes côtes,  Gardia Civil, Immigration, Bureau du parc national, kiosque du parc. On visite ''la ville'' en même temps...Pratique.
C'est un peu long,  un peu fastidieux mais cela se passe sans encombre et sans aucune demande de billets sous la table. Un peu d'huile de patience et une pincée de sourire et on finit même par nous offrir un café.
Une bonne demi journée plus tard, nous avons tous nos documents en règle, la collection de tampons s'est agrandie. Nous voilà libres de voguer et ancrer dans cette Réserve naturelle.
Ah, nous oublions le coût.
À l'immigration, nous avons dû régler 9000 bolos soit environ 10 euros.
Ensuite, pour avoir accès aux zones de mouillage du parc, il y a un pass de 15 jours dont le montant est calculé (informatiquement s'il vous plaît !) en fonction de la longueur du bateau, du nombre de passagers....et de l'âge du Capitaine (non, c'est une blague... Mais ça pourrait ).
Nous avons été enregistrés comme un bateau de 11m (à priori ils ne tiennent pas compte des virgules car nous sommes à 11,74m sur les papiers et si on mesure...No comment).
Quant à la largeur de notre gros pépère, elle ne rentre pas dans le calcul...Cool...
Nous avons ainsi dû nous acquitter de la somme de 80 euros. 
Pour info Seayousoon, bel Oceanis 45 pieds a été facturé environ 100 euros.
À première vue, cela peut sembler onéreux. Si l'on reprend nos tablettes et calculatrices,  nous sommes sensiblement au même tarif par nuit et par personne qu'aux Tobago Cays... avec un terrain de jeu plus vaste, plus nature et surtout nettement  moins encombré.
Il ne faut pas perdre de vue que Los Roques est le plus grand parc naturel de la Caraïbe étendu sur 2200 km2. Il compte une cinquantaine d'îles dont certaines en réserve intégrale et possède des récifs de corail diversifiés parmi les mieux conservés de la mer des Caraïbes 
Et puis, si notre modeste contribution peut être une petite pierre à l'édifice de reconstruction dont ce pays à bien besoin. Banco !!!

Gran Roque est l'île principale, la seule à posséder une population permanente regroupée autour des épiceries,  boulangeries, d'une boucherie, d'un dispensaire, d'une pharmacie (qui fait aussi office de bureau de change), d'un centre culturel,  d'une église, d'une école... Un joli village ultra coloré sillonné de ruelles de sable.




Le charme opère dès que l'on met pied à terre. Les enfants jouent dans les rues. Les plus âgés bavardent assis à l'ombre de beaux arbres ou jouent aux dominos et lotos. Les ados et jeunes adultes quant à eux sont regroupés sur la place centrale. En plus d'être un lieu de rencontre, ces m2 centraux sont le siège du Graal : le Wifi !!!
Mise à disposition gratuitement par l'état tant pour les résidents que pour les touristes, cette connexion est la bienvenue pour donner des news aux proches et pour checker la météo.
Gracias Gobierno Bolivariano !



On l'a dit Gran Roque est le lieu de villégiature protégé de la jeunesse dorée vénézuélienne mais aussi de quelques initiés de tous horizons (plongeurs, kite surfeurs...). Par mer ou par les airs, ils arrivent à grand renfort de dollars à la recherche d'un lieu de vacances différent, loin du tourisme de masse. C'est ainsi que de nombreuses vieilles bâtisses ont été transformées en posadas (comprenez gîtes de quelques chambres). Tout est fait avec beaucoup de goût et harmonie.Les prestations et tarifs sont alignés avec les standards européens. Il faut beaucoup de zéros si on veut convertir le prix d'une nuit en bolos.

Nous avons eu la chance de pouvoir visiter La Cigala, tenue par Enrique assisté d'Orlando et Carla. C'est le voyage et notre langue qui nous ont rapproché. Enrique est voileux et parle français. Il n'en fallait pas plus pour que le courant passe. Il avait aussi remarqué ce catamaran fraîchement arrivé ...et surtout ce mât reculé. Il a l'oeil !!!Ainsi, alors que la table des posadas n'est en principe réservée qu'aux hôtes, l'équipe nous a proposé d'organiser pour les équipages de Seayousoon et Ti'Amaraa, un dîner venezuelien.
Un régal ! Digne des meilleurs restaurants français !!!
Une belle soirée ! À un prix très raisonnable !!!
Félicitations aux cuisiniers et un grand merci à Carla, Orlando et toute l'équipe pour vos sourires.



Papiers en règle, famille et amis rassurés , Ti'Amaraa est parti explorer son nouveau terrain de jeu. Nous nous sommes donc retrouvés
au milieu de nulle part dans une zone oubliée de la planète mal répertoriée sur les cartes, un trou noir corallien qui avalerait les inconscients ayant commis l'outrage de s'y aventurer.
Bouuu quelle trouille !!!
Une peur bleue, of course ;-)

Jour après jour,  mouillage après mouillage, notre quotidien s'est illuminé d'une couleur et d'une saveur insoupçonnées. 
Le bleu est de rigueur, dans toutes ses déclinaisons, du bleu pâle et translucide au bleu d'ombre et profond, en passant par un délire de bleus crus des plus saugrenus: tant sur les façades terrestres que sur les costumes d'apparat des poissons aux couleurs si vives qu'elles semblent irréelles.
La lumière enchanteresse des lieux se reflète sur un plan d'eau d'une telle pureté que, pour la première fois de notre vie,  nous observons des nuages bleus turquoises. Inoubliables !
Sur l'eau, c'est beau.
Sous l'eau,  c'est beau.
À terre, c'est beau.
Dans les airs, c'est beau.



Difficile de choisir notre mouillage préféré, de sélectionner les vues parmi la centaine d'images volées au présent, de retranscrire l'atmosphère de ces lieux.
En attendant de pouvoir partager les montages vidéo, voici 10 beaux moments inoubliables de cette quinzaine :

1- Une plongée incroyable au sud de Soyoqui: petit îlot le long de la barrière de corail Est.
Jamais nous n'avions vu une telle variété de coraux et, qui plus est, dans un état de préservation époustouflant.
Barracudas, Requin nourrice, Raies, Capitaines, Balistes, Anges et Papillons... Ils sont tous là.
Une belle aventure 100% autonome: recherche d'un site la veille avec Michel (sur les infos d'Afrodite), jonction avec le matériel en annexes, plongée à trois et regonflage des 3 blocs on board. Trop bien !!!
C'est dans de tels moments que l'on est contents de s'être contorsionnés des heures dans la jupe pour installer le compresseur de plongée.

2- Rencontrer en snorkelling sur le récif de Buchiyaco des poissons par centaines dont des perroquets géants aux couleurs de carnaval. Nos chouchous: les perroquets midnight (noir et bleu nuit) et les perroquets arc en ciel (orange et verts).
Le barracuda de plus d'1,50m propriétaire du lopin de corail a toutefois semblé peu satisfait de l'intrusion. Même resté à bonne distance, son regard peu enjôleur ne nous a pas inspiré pas la franche camaraderie.
OK T'as gagné... On décampe !

3- Remonter le chenal de Sebastopol (entrée sud de l'archipel
) sous Grande voile et code zéro en zigzaguant dans les nuances de bleus est hyper fun. Ceci dit pas de place à la déconcentration, les cayes sont nombreuses... La route est mal pavée. Un oeil sur le sondeur et la carto, l'autre vers l'horizon chaussé de lunettes à verres polarisants, et ça le fait bien.
Le bassin des Roques est un vrai paradis de la voile. Un alizé constant à 15/20 noeuds, la houle océanique brisée par la barrière de corail... Le pied à chaque changement de mouillage en version ''régate'' toutes armes textiles dehors avec les copains.




4- Noronquises en mode seul au monde.


À deux encablures des animées Gran Roque et Crasqui, ces trois îlots déserts offrent un havre de paix pour qui aime la Nature pour seule compagnie. Ti'Amaraa y était seul pendant deux jours. Les oiseaux par centaines vivent en harmonie sur ces îles de sable or et rose. Le spectacle frôle son paroxysme lorsque nous sommes surpris par un vol en escadrille de flamands roses majestueux .
Pas le temps de dégainer l'appareil, la masse couleur Incarnadin s'éloigne dans le ciel en dessinant une flèche semblant nous indiquer la direction pour la suite de notre voyage. Irréel !!
La balade à terre offre aussi un joli panorama et surtout l'impression d'être les premiers à fouler ses plages de galets de corail. Si le compteur journalier de notre pass ne tournait pas, on pourrait y rester encore et encore...

5- Faire notre marché en burgots et lambis dans les 30 cm d'eau translucide des piscines naturelles du reef sud.
Un grand merci encore aux Seayousoon pour les conseils, les cours de ''décortiquage'' de lambis et de cuisson. Quel bon dîner tous les 4 à se régaler de produits offerts par la mer !
Et vive l'aïoli du Capitaine !




6- Faire un peu d'avito à Gran Roque était d'après radio ponton juste IM.PO.SSI.BLE !!!
Dans le doute, nous sommes arrivés coffres et frigo pleins. Avant de quitter l'île ''capitale'', nous avons tout de même voulu nous rendre compte. Avec nos 7 500 bolos restants soit une liasse de 150 billets de 500 en poche (ça fait riche comme ça mais en fait ça correspond même pas à 10 euros), nous avons pu sans mal remonter notre stock d'oeufs, de tomates, de galettes de mais. Et comme il nous restait des billets verts, quelques boîtes de thon sont venues se rajouter au panier de la ménagère flottante. Si sur le continent la situation est bien plus compliquée, aux Roques une fois encore à bas les préjugés, vous ne mourrez pas de faim. 

7- Un réveil dans l'écrin de Cayo Carenero:
Ancrer Ti'Amaraa dans un lagon aux allures de lac paisible couleur d'azur,
Être réveillés par la symphonie des chants des oiseaux marins,
Petit déjeuner entourés des vols planés chorégraphiés de dizaines de pélicans et sternes au dessus de la mangrove,
Observer le Dieu Soleil réveiller de ses pinceaux chauds les couleurs alentours.
Avoir l'impression de vivre au milieu d'une aquarelle



8- Par respect pour ce parc, nous n'avons jamais mis une ligne de traîne à l'eau. De même l'activité ''Chasse sous marine'' a été exclue du programme, malgré les langoustes nous narguant lors de snorkellings... L' envie toutefois d'un poisson grillé nous a entraîné vers les petites cases de pêcheurs de Cayo Carenero. En fonction des demandes et de la pêche, ils peuvent organiser des déjeuners sur la plage. Une jolie petite structure est en place décorée de guirlandes de coraux, de coquilles de lambis, de sculptures en bois...
En réservant à l'avance, pour 10 Us$ par personne,  nous nous sommes régalés, les pieds dans le sable, de ceviche de lambis et de très beaux poissons parfaitement grillés à la chair ferme et goûteuse. Miammmm !!!




9- Chaque soir le festival est aussi dans le ciel. La voûte céleste, striée de temps en autre par des traînées d'étoiles filantes, semble s’être ornée d’une poussière de diamants pour accompagner les constellations de nos pensées.
Traces éphémères de nos voeux au firmament.
Dites ''Là Haut'' ?
C'est ça l'éternité ?

10- La dernière escale aux Roques avant de filer toujours vers le soleil couchant nous aura offert un mouillage splendide dans le lagon bordé par deux langues de sable que sont les îlots de Bequeve et de Cayo de Agua.
Nos âmes d'enfants n'ont pu résister à l'appel des dunes de sable de Bequeve. À nous, l'escalade de ces murs de poussière de corail fine comme de la farine. Vu d'en haut le panorama est saisissant: les plages dorées et le phare de Cayo de Agua en fond, les dégradés turquoises du lagon central, les lacs roses à nos pieds et le bleu profond d'un horizon océanique à perte de vue. Géant !
Comble du bonheur, le lendemain matin c'est sur un plan d'eau miroir que nous avons ouvert les yeux. La mission  ''exploration de Cayo de Agua'' est mise à l'ordre du jour de notre réunion/petit dej. Nous filons en annexe avec la sensation de voler au dessus du fond  parmi les coraux, les raies et les tortues.
L'île réputée pour être la plus belle des plus belles n'est que pour nous! Ses plages immaculées, son oasis de palmiers dattiers, son phare du bout du monde, sa langue de sable semi-immergée, ses oiseaux curieux, ses poissons joueurs...Les mots nous manquent pour retranscrire cette escapade.








Nous avons bien fait de croire en notre foi optimiste. Rater cet archipel aurait été une grosse erreur de casting : un plan d'eau offrant des conditions de navigation stables, des mouillages juste parfaits tantôt isolés tantôt ''civilisés'', une atmosphère sereine et paisible.
Un petit sentiment de déjà vécu trotte toutefois dans nos têtes... Serions-nous nous déjà en Polynésie ?
Certains appellent Los Roques, la petite Polynésie Caraïbe.
On confirme !!!
Mais surtout prenons notre temps justement pour ne pas rater ce genre de pépites en chemin.




Merci les Nemesis pour vos informations ''mouillages'',
Merci les Kermotu pour la mise en relation avec les Afrodite (que l'on part rejoindre aux Aves),
Et encore Merci les Seayousoon pour les escales partagées.

Si le Mal existe, il est caché dans nos peurs.
N'ayez crainte, venez visiter Los Roques !

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