Un peu comme le joueur affûté de billard qui utilise les rebonds sur les bords de la table verte pour conclure sa partie victorieuse, Ti'Amaraa a mis en pratique le principe pour atteindre sa nouvelle escale : Les îles Caymans.
Si l'on dessine une ligne droite sur la carte, du dernier mouillage au Belize, il n'y avait ''que'' 390 nm pour rejoindre St Georges.
Or, le problème est le cap à 74° soit un bon Est-Nord Est qui correspond pile au vent, vagues et courants contraires dans cette zone de la mer des Caraïbes.
Alors bien sûr, il y a l'option d'attendre et d'attraper un changement de vent qui permettrait d'utiliser un vent de travers sur 3 à 4 jours par exemple pour gagner en cap... Pas facile à dénicher.
Nous l'avons cherché, attendu cette fameuse ouverture que nous finissions par l'appeler Désirée.
À chaque réception d'un fichier météo, jour après jour, point de Désirée.
Le second paramètre est que nous étions arrivés à terme de notre visa Belize d'un mois et que nous n'avions pas du tout l'intention de lâcher une centaine de dollars pour revalider un mois inutilement. Nous avons donc patienté une grosse semaine dans des mouillages éloignés des bureaux d'immigration et de Douanes en opération camouflage. 😇.
À priori, la pratique est courante pour les bateaux en transit mais ce n'est pas dans nos habitudes et il nous tardait de mettre fin à cette situation clandestine.
Enfin, la saison cyclonique débute officiellement en juin et nous avons décidé de la passer à Panama et aux San Blas.
Oui mais alors, pourquoi chercher à aller aux îles Caymans ?
Non, nous n'avons pas rendez-vous avec notre banquier pour placer un excédent de caisse de bord. 😜
Nous avons tout simplement ni l'envie ni une once de volonté de repasser près des côtes du Honduras et du Nicaragua lors de notre descente. C'est peut-être idiot de se compliquer le programme car depuis notre mésaventure de janvier, il semble que la zone soit calme. Les rapports envoyés en hauts lieux auraient ils servi ? Nous le souhaitons de tout cœur pour les navigateurs à venir et aussi pour les belles îles du Honduras pénalisées. Mais pour nous, c'est hors de question. Des Caymans donc, s'offrira à nous un bord bien au large direct vers le sud et Panama. Ce qu'il nous faut 👍.
Nous avons donc mis Ti'Amaraa en route vers l'objectif Grand Cayman sans trop savoir pour combien de jours et sous quels bords. Nous laissons le Belize dans les nuages et partons sur le notre.
Dès la passe de la barrière de corail franchie, le ton est donné. Les fichiers météo semblent corrects côté angle du vent et hauteurs des vagues. En revanche, point de vue force du vent, une fois de plus c'est bien en dessous de la réalité.
Nous avons donc brieffé notre droïde-chauffeur by Raymarine.
- Nestor! À 30/35° du vent... Et on verra bien où et quand l'on arrive.
La première journée et la première nuit ont fait en sorte de nous remettre immédiatement dans le bain de la navigation au près serré. Rafales à plus de 35 nds. Mer hachée.
Une dépression est prévue sur le sud du golfe pour ces 2 premiers jours. Nous avons donc pris l'option de faire route au plus vite et au plus direct vers le nord direction Cuba.
Lorsque la mer n'est pas formée, nous avançons à bonne allure sous GV et Génois. Lorsque les creux se forment, nous y associons un moteur à 2000 tours pour compenser la dérive. D'autant plus que la première nuit, elle a tendance à nous rabattre vers la côte mexicaine et ses îles.
Les jours 2 et 3 sont conforment aux prévisions et nous permettent de retrouver des conditions de confort meilleures.
Ainsi s'égrènent les miles et les heures. Au 3ème jour, nous sommes à la latitude de Cozumel au Mexique, l'ange du vent semble être bon pour repiquer sud est. C'est partiiiii.
Le lendemain matin, à vol d'oiseau, nous ne sommes plus qu'à 150 nm de notre but. Ti'Amaraa n'étant pas doté d'ailes mais de voiles, notre cata est passé en mode broderie fine. Et je zig, et je zag... On joue avec le vent pour essayer de tirer le meilleur rapport cap/vitesse. Tout cela évidemment sans oublier la composante courant contraire de 2 nds ainsi que des cargos dans tous les sens. Autant dire que les quarts sont animés.
Mais ceux sont les lignes de grains au quatrième jour qui in fine, nous aurons le plus compliqué le travail. Lorsqu'ils nous laissent passer, c'est accompagné de vents changeants et arrosé à seaux. Le sol de notre cockpit est un mélange saumâtre où même des anchois n'y retrouveraient pas leurs filets.
Malheureusement à plusieurs reprises, ces barres épaisses de nuages noirs, de vent fort et de pluie, nous bloquent littéralement l'accès, nous contraignant à nous dérouter et donc à perdre quelques précieux miles patiemment glanés au grès des bords. Grrrr.
Les grains se succédant nous ne voulions pas perdre trop de terrain. Nous avons donc été obligés de nous mettre à la cape sous un plus violent que les autres avec des rafales dépassant les 40 nds. Merci à notre gréement reculé qui a joué parfaitement son rôle de stabilisation du bateau face au vent. Nous avons été bluffé par cette manœuvre que nous testions pour la première fois. Nous étions sceptique sur le résultat. À refaire👍
Au matin du 5ème jour, nous touchons au but. Les grains nous laissent le champ libre. Le soleil levant nous pointe notre dernière escale. Si tout se passe bien c'est au mouillage que nous passerons la cinquième nuit. Cette journée est d'autant plus importante que notre électronique nous annonce que nous venons de franchir les 10 000 miles nautiques à bord de Ti'Amaraa !! On dit comment ? Un miliversaire ??
Notre catamaran présente donc ses coques en eaux territoriales des îles Caymans après 5 jours et 4 nuits de navigation et un total de 547 nm parcourus pour 390 en ligne droite. Quand on dit que la navigation au près n'obéit pas au théorème du chemin le plus court entre deux points!
Un peu fatigué, mais pleinement satisfait, l'équipage a la sensation d'avoir encore franchi une étape qui n'était pas donnée pour facile à l'heure des starting-blocks. Ce ne sera certainement pas notre nav' préférée ni la plus performante (5.1 nds de moyenne malgré tout) mais elle aura été très formatrice pour nous 2. Nous savons que nous sommes sur les rails pour la suite.
À bord, ça a balancé. Il fallait prendre grand soin à caler ce qui pouvait tomber, ouvrir avec précaution les placards, assurer chacun de ses déplacements sous peine de finir couverts de bleus, ou de se cogner le petit orteil pour la xième fois dans ce put*** d'angle !!
Nous avions la démarche aussi assurée qu'un pilier de bar un jour de paye. Le petit orteil endolori en plus.
Léon quant à lui, fort de ses souvenirs de saltos, avait pris ses quartiers dans une des douches.
- Vous tracassez pas pour moi les colocs. Chui secure dans mon trou. Mais faudrait pas oublier de m'arroser. C'est dimanche !!!
Dans des moments comme ceux là, si l'équipage n'est pas aguerri, il peut y avoir de gros doutes quant à la question existentielle :
- Mais pourquoi j'ai choisi ''voyage en voilier'' ?
- En vélo, c'est cool aussi, non le vélo ? Ah non, ça fait mal au c...
- En backpackers alors? Mouai quelques mois c'est rigolo de jouer les escargots avec le sac sur le dos, à la longue ???
- Je sais !! En avions, palaces, restos, spas, massages (du petit orteil), jacuzzi...
On va bien y aller dans les banques des Caymans mais pour un casse. 😈... Euh... On s'égare.😂.
Non, on rigole !!! Nous n'avons nullement l'envie de changer de mode de voyage, et n'avons d'ailleurs pas à nous plaindre. Tirer des bords au près serré sur Ti'Amaraa, c'est manger à table à l'horizontale à tous les repas (non, nous ne nourrissons pas de sandwiches en nav), dormir à plat sans être trop secoué , produire de l'eau avec le dessal, cuisiner sans être à la gîte (basique tout de même pour les verrines, le veau maringot et la tarte citron meringuée, faudra repasser... Mais déjeuner salade Vietnamienne et rouleaux de printemps tout de même) , pêcher (enfin essayer autre chose que des sargasses) , lire, écrire (comme en ce moment même 27 nds de vent vrai à 33° calés dans la banquette du carré).
Bref, ce ne fut pas le bagne, juste vivre plutôt pas mal, tous les deux dans notre bulle.
Je louvoye, tu louvoyes, nous louvoyons.
Alors comme c'est d'actualité, nous décernons le prix du meilleur réalisateur à notre Ti'Amaraa et son super gréement pour ''Il a fait le job ou un bateau en croûte de sel''
Le prix du meilleur acteur pour notre Droïde Nestor dans ''Où tu voudras, j' t'emmène''
Le prix du meilleur second rôle à Poulpy pour ''J'ai rien péché mais je me suis accroché''.
Le prix du meilleur son aux régisseurs devenus plutôt des rugisseurs : Eole et Neptune. Les coques ont grondé comme des tambours qui se répondraient l’un à l'autre. Qu'il va être apprécié le clapotis silencieux du mouillage.
Nous n'oublions pas nos figurants habituels préférés : les dauphins venus par bancs jouer avec Ti'Amaraa. Nous oublions par contre avec grand plaisir Voldemort, l'ancien démon de la Cap'. Creux et vagues 1 - Vomitos 0
Et la palme d' Or 2017 pour
''10 000ème nm à bord de Ti'Amaraa ou 18 000 km de tout terrain à la vitesse d'un vélo ''
À présent, la cinquième case du compteur est tournée. Il ne nous reste plus qu'à l'incrémenter au fil de l'immensité marine.
Ps : Ne nous cherchez pas sur les marches de Cannes. On n'arrive pas à enfiler nos chaussures. Sacré orteil 😂😂
Bravo les grands marins
RépondreSupprimerBises de nous deux et toujours bon vent bonne mer
Vous nous faites rougir... Nous avons tellement appris en vous lisant. Ti'Amaraa et son équipage vous attendent pour une nouvelle balade sur 2 coques. Des bises à vous deux et à toute la famille
SupprimerTrop bien les coupins��Et maintenant le grand bleu pour vous, vous nous faites baver��⛵️ Bizzzous les loulous
RépondreSupprimerMerci !!! Le bonheur c'est le chemin. Profitez de toutes les étapes. À bientôt. Des bises les popins.
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