Lever de soleil: top départ pour 120 nm |
Une chose est certaine nous n'oublierons jamais ces 24 heures ou plutôt cette nuit.
Tout a commencé par une belle journée ensoleillée de grand bonheur à la voile entre portant sous Parasailor et travers sous GV et Code Zéro accompagnés par des dauphins gracieux et des dizaines de papillons légers virevoltant autour de Ti'Amaraa. Nous filons à 8 nds sur une mer peu formée poussés par un souffle jamais rafaleux établi à 15 nds.
Le kiff total.
C'est à la tombée de la nuit vers 20h que le climat de béatitude ambiant laisse place à l'adrénaline. Face à nous, on se croirait aux marches de Cannes sous les feux des paparazzi. L' horizon est illuminé de flashs ininterrompus. Les orages sont loin mais on se dirige droit sur eux ou ceux sont plutôt eux sur nous...Seront ils désagrégés d'ici là ?
Pas de place pour l'improvisation, on prépare notre catamaran en conséquence. L' alizé ne doit d'ailleurs pas aimé les orages car il nous fait subitement faux bond. Ceux sont dans de tels moments que nous sommes contents d'avoir nos deux moteurs et nos 400 litres de gasoil. En les utilisant alternativement notre autonomie est grande.
Ti'Amaraa est prêt, nous aussi. À quelle sauce va t'on être croqués ?
Nous observons la lune et les étoiles disparaître derrière un ciel de plus en plus obscur ne faisant plus qu'un avec la mer. Nous avançons vers un mur noir zébré d'éclairs.
Au même moment, deux hirondelles viennent se réfugier sur notre roof, un poisson volant se suicide sur notre pont et nos copains les dauphins reviennent nous escorter. Leurs corps fuselés soulignés par les rais de planctons luminescents glissent dans cette mer d'encre.
Ti'Amaraa ou l'arche de Noé avant le déluge. Heureusement les éléphants et les girafes ne savent pas nager.
Nous passerons la nuit cernés par les grains et les orages. Les éclairs courent d'un nuage à l'autre au dessus de nos têtes avant de finir leur chemin dans la mer.
L 'air est un grondement incessant de salves de tonnerre.
On reprend nos cours élémentaires de physique.
''Lorsque la foudre va du nuage vers le sol, elle emprunte le chemin le plus court et frappe donc généralement le point le plus élevé de ce dernier''
- Euuh...le point le plus haut sur l'eau à des miles à la ronde ce ne serait pas notre mât ?
Gloupsss...
''la vitesse du son est de 346,3 mètres par seconde dans de l'air à 25 degrés. ''
- 1, 2, 3, 4... Oupsss moins de 5 secondes ce coup-ci.
Ça se rapproche !
Allez hauts les coeurs, ça va le faire.
L'électricité dans l'air ne pénètre cependant pas notre bulle. Nous sommes attentifs, concentrés mais nous ne ressentons pas de quelconque panique. De toutes manières, à quoi bon? On y est, il faut tenir le cap.
Les moments de repos dans la cabine n'en sont pas vraiment ni pour l'un ni pour l'autre. Les quarts de veille se font les rétines incrustées des flashs de foudre alentours. Les éléments bien que déchaînés n'en sont pas moins magnifiques.
Tout se passera bien, aucune décharge ne viendra se frotter à notre paratonnerre Selden.
Pour vous imaginer juste l'ambiance (bien que vous l'ayez vu en vidéo) , il fait nuit noire. Le vent souffle dans tous les sens. La girouette danse la gigue mais l'anémomètre reste dans des valeurs gérables. Notre catamaran tente de se faufiler sur une mer désordonnée et hachée. Nous sommes chahutés pendant des heures dans tous les sens arrosés de trombes d'eau à intervalles réguliers. Nous ne voyons plus où nous allons. Autour de Ti'Amaraa, l'horizon se résume à un rideau d'eau blanc sur fond d'ébène. Vive les instruments !!
Merci aussi notre option toiles de tour de cockpit. Il est vrai que depuis que l'on est en mer Caraïbe on les utilise beaucoup moins mais dans de telles circonstances, cela rajoute de la quiétude lorsque l'équipage n'est pas trempé jusqu'aux os.
Le répit n'arrivera que vers 3 heures du matin, soit près de 6 heures d'une intensité de pluie et de foudre jamais rencontrée jusqu'à présent . C'est long !! Vraiment rien à voir avec nos orages d'été métropolitains. Nous savourerons le retour de conditions normales en nous partageant les 3 heures de navigation restantes en un sommeil profond.
L' odeur du pain frais au four au réveil et le panorama époustouflant des 5 baies et de la Sierra Nevada auront raison de notre fatigue et de nos émotions.
Nos narines sont immédiatement titillées par les odeurs de verdure tropicale humide, les parfums des fleurs cachées sur ces vallons et le fumé du café des baraquements de pêcheurs. Bienvenus en Colombie.
Nous avons la sensation d'évoluer sur un lac de montagne tant le plan d'eau est apaisé.
Après avoir testé les deux premières ensenadas Cinto et
Neguange (trop rouleur), nous jetons notre dévolu (non, ce n'est pas une nouvelle ancre ;-)) sur l'ensenada Gayraca.
Le mouillage y est nettement plus serein, le havre de tranquillité recherché pour nous reposer toute la journée avant de reprendre la route le lendemain.
Comme au Cabo de la Vela, les barques de pêcheurs font les curieux autour du seul bateau à l'ancre que nous sommes.
Sourires et pouces levés en guise de comité d'accueil, que demander de plus ?
Le soir, Ti'Amaraa est la seule lueur sur l'eau. À terre, on distingue une petite loupiote dans la cabane des pêcheurs sur la plage et une autre dans la jolie hutte au toit de pandanus que nous avons remarquée en entrant dans la baie le matin.
Des Colombiens urbains ou des touristes viennent passer la nuit lovés dans des hamacs bercés par le calme dans ces petits écrins en pleine nature.
Dans les plus cachées et les plus luxueuses de ces écohabs du parc national Tayrona, des célébrités s'y réfugierait régulièrement. On aura beau se balader dans toutes les ensenadas, point de Shakira.
Et si c'était elle, cette blonde qui n'a pas voulu se faire photographier? |
À chaque changement de baie, notre catamaran est accompagné par des bancs de gros dauphins, probablement mandatés par les Cost Guards ou les Douanes. Nous n'avons en effet toujours pas fait nos formalités d'entrée (prévues à Puerto Velero). Nous sommes donc des migrants illégaux mais ça ne semble perturber personne.
C'est avec regret que nous levons l'ancre de ce parc réputé pour être la plus belle région de la côte atlantique colombienne.
Nous avons prévu de visiter la dernière baie avant de tracer vers la ville: Santa Marta.
Grave erreur !!!
L'ensenada Bonito Gordo et les huttes vestiges de l'ancien village indien nous attendent. Il se dégage de cette petite anse bordée d'une plage de sable blanc une atmosphère qui nous séduit tous les deux dans la seconde où l'on présente nos étraves.
Un peu comme lorsque nous sommes arrivés de transat, nous ne sommes pas pressés de retrouver l'agitation des grandes villes portuaires.
Ces baies sont tellement uniques qu'elles méritent bien une nuit de plus, non ?
Encore une petite baignade dans cette eau vert clair qui n'est PAS du tout froide !! (encore une fausse vérité véhiculée par radio ponton).
Tant pis pour le mouillage de Santa Marta. On ira découvrir la ville peut être plus tard par la route.
Une dernière nuit seuls au monde avant de reprendre la route pour la troisième, et ultime partie, vers Barranquilla et la marina de Puerto Velero.
Ps: Bilan de l'arche de Noé by Ti'Amaraa
Les dauphins voguent toujours.
Le poisson volant raidi a été rendu à la mer.
Une hirondelle s'est envolée de notre roof saine et sauve au petit matin vers la côte en laissant malheureusement sa coéquipière allongée contre notre chariot de grande voile.
Ps2: sympa les oiseaux mais ils de sont bien ''oubliés'' sur le roof.... La trouille sans doute.
Ps3: À l'heure où nous finissons d'écrire ces lignes dans ce dernier mouillage des 5 baies, l'orage gronde tout autour de nous. Malgré la nuit, nous y voyons comme en plein jour.
Heureux de ne pas être en nav' pour participer au festival d'éclairs et de tonnerre joué encore une fois ce soir. Sacré climat sur la Sierra Nevada !
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