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23 décembre 2014

La transat


C'est donc terminé ... déjà...
Nous avons traversé avec succès cet Atlantique source pour nous de centaines d'interrogations, de lectures et de rêves. Pour être honnêtes, nous aurions aimé que cet océan soit sans fin tant nous avons vécu ensemble une histoire belle et forte.
Partis du Cap Vert le 3 décembre à 16h utc, nous n'avions volontairement pas de "point de chute" précis défini. Serons nous arrivés pour Noël ? Et où? Tout nous était égal. C'est aussi ça qui fait l'essence même de notre Ti'Amaraa. La liberté de choisir où les éléments nous porterons et ce avec une nav la plus confortable qui soit. Nous verrons bien.

C'est ainsi que nous avons levé l'ancre Cap sur Sainte Lucie et que nous sommes à Bequia. Bé? Quoi?...
On en voit déjà se precipiter sur leurs Atlas et autre Wiki pour nous repérer. Pour info cela se prononce Békué.
Si nous sommes dans l'Admiralty Bay ce n'est pas non plus un total hasard. Il y a quelques années nous avions loué tous les 2 seuls un cata et avions passé une semaine inoubliable entre Martinique et Tobago Cays. Nous avions gardé un très bon souvenir d'escale dans cette grande anse avec notre "Jaspe".
Alors, quand le vent après 3 jours de nav a semblé vouloir nous orienter plus sud que prévu,  il ne nous a pas fallu longtemps pour nous mettre d'accord.
"Et si, nous reprenions l'arc antillais là où l'on s'était arrêtés ?"

Mais bon avant tout ça,  c'est bien la transat l'objet de cet article.
Par où commencer?
Que dire de ce moment hors du temps ?
Comment arriver à expliquer la vie dans notre bulle ?
Pas envie de le faire comme un journal de bord avec les détails de la vie à bord et des conditions de nav jour après jour.
Difficile de résumer en quelques lignes ce que nous avons vécu pendant 16 jours de mer.
Nous rêvions de cette aventure transatlantique à 2. Nous y voilà!
Beaucoup nous déconseillaient de partir sans équipiers.  La gestion des quarts, l'ambiance à bord... Nous n'avons pas écouté le chant des sirènes.  Nous respectons bien sûr ceux qui font ce choix mais nous ne voulions pas ça.
Le Lagoon 39 nous l'a permis. Ce bateau est idéal pour 2. Il passe très bien dans la houle océanique (même croisée !) et a été d'un confort, d'une sécurité et d'une confiance sans faille.  Il est in fine assez simple à la manœuvre. Les forces en jeu n'ont à aucun moment mis en défaut notre équipage "réduit". Manger, dormir, naviguer, bricoler, cuisiner TOUS les jours à plat avec un tel niveau d'équipements de confort est un luxe que nous avons apprécié à sa juste valeur TOUS les jours.
Nous avons aussi appris à mieux le connaître,  comprendre ses manoeuvres, son fonctionnement, à apprivoiser ses bruits et même à anticiper ses mouvements.  Aujourd'hui ouvrir/fermer le code zéro,  gréer le Parasailor...ne nous posent plus de problèmes existentiels.
Nous avons aussi pu décoder son autonomie.
Gasoil tout d'abord :
Partez sur 2,5 L/h par moteur. Les Yanmar consomment un peu moins à 2500 tours mais c'est une bonne base de calcul. Entre les 400 litres du réservoir et 85 litres en bidons nous avons eu assez d'autonomie pour cette transat.
Le manque de vent certains jours ou l'envie d'une bonne douche chaude un autre ont pu être comblés grâce à nos Totoche allumés alternativement.
L'énergie, on a du nouveau !
Nous pouvons à présent confirmer que sous ces latitudes et avec un bon niveau d'ensoleillement quotidien les 600w de panneaux solaires permettent de nous rendre autonome au mouillage (validé à Mindelo) et aussi en navigation.  Petit bémol toutefois on parle bien sûr en nav de jour. Les consos de bord et du pilote sont absorbées. Il y a même du bonus d'ampères pour les batteries. Cependant, en transat il y a aussi les nuits à gérer. Le déficit généré ne peut se remonter.  Notre solution qui joint l'utile à l'agréable : 2h de groupe après dîner. Le temps d'un bon film partagé, les batteries remontent à plus de 13 V. Et c'est gagné jusqu'au lendemain soir.
Bien sûr, si nous avons dû allumer les moteurs dans la soirée par manque de vent (fréquent en fin de transat), on peut se passer du groupe...voire du film...bien qu'avec le convertisseur ça marche aussi très bien.
L'Eau :
Grâce à l'intervention experte et avisée d'un technicien à Ténérife mandaté par Sea Recovery France, notre dessal fonctionne (enfin!). Il nous a tout de même été demandé d'éviter de le mettre en service lorsque la mer est trop agitée afin d'éviter l'admission d'air dans le reseau d'entrée.
Nous avons produit 3 fois 2 heures d'eau (environ 350 litres) principalement pour le tester. Avec 600 litres même en consommant l'eau du dessal il nous en aurait resté à l'arrivée. Nous consommons environ 25 litres par jour à 2 soit un quart de réservoir tous les 6 jours.
Quel plaisir de prendre nos petites douches quotidiennes en mer sans trop se soucier du niveau de la cuve !
L'option eau de mer autant à l'évier qu'en pompe de lavage de pont est très utile et permet d'arriver à ces conclusions en terme d'autonomie.
Nettoyer un poisson fraîchement péché et les salissures sur la jupe à jet d'eau salée...le top!
La pêche parlons en :
La deuxième journée en mer a été couronnée par la remontée à bord de 2 dorades coriphène de 90 cm soit près de 4kg chacune. Nous en avons relâché une. Autant dire que nous l'avons cuisinée et mangée à toutes les sauces et plusieurs jours.  Les valeureux appâts ont été mis en RTT pendant 10 jours le temps que le stock diminue. Et dire que nous ne comptions pas sur le fruit de notre prélèvement naturel à la mer !
Il a fallu in fine apprendre à gérer les ressources pour ne pas perdre les produits frais embarqués et ceux récoltés... Pas facile notre vie...
Une fois remotivés à pêcher,  nous avons dû abdiquer quelques jours devant une multitude d'algues flottantes qui se prenaient dans les appâts.
Mais compte tenu de l'avitaillement du bord, on ne risquait ni la malnutrition ni le scorbut.
Enfin le 15 ème jour, nous avons remonté un baliste bois, espèce rare d'après nos tablettes. Nous l'avons immédiatement remis à l'eau.
Quant aux conditions météo ?
Tous les modèles étudiés avant le départ étaient de bonne augure.
Les gribs pris en mer tous les 3 à 4 jours par l'iridium nous ont permis de nous frayer un chemin parmi les dépressions et les calmes anticycloniques.
Nous avons pu profiter les 6 premièrs jours d'une pleine lune magique faisant miroiter l'océan toutes les nuits après nous avoir laissé profiter de la voute étoilée en guise de dessert quotidien.
Les journées ont toutes été très ensoleillées. La chaleur et la puissance du soleil sont montés crescendo. Jour après jour nous avons vu la température de l'océan grimper de 26° au Cap Vert à 30° à partir du 15 ème jour de la traversée.
Passé le 50° ouest, la nav a changé. Nous avons connu des jours et des nuits sans vent sur un océan aux allures d'un lac avec le compteur de miles quotidien inférieur à 120nm. Nous avons aussi fait connaissance avec les fameux grains et leurs accélérations et désorientation du vent. Ces nuages gorgés de pluie de fin d'après-midi ou de nuit nous ont fait vivre des sessions de voile sportives par plus de 30 noeuds et des surfs à près de 10 noeuds pour notre Ti’Amaraa sous Parasailor . Aouuff ça décoiffe.
On a fini par apprendre à les "passer" sans forcément réduire la voilure en essayant juste de profiter de l'accélération offerte. Pas toujours simple cependant. Merci au radar pour l'indication de localisation des pluies (surtout la nuit!), parceque faire les singes à l'avant de nuit sous la pluie par mer de travers même attachés et avec nos gilets lorsque l'on peut s' en passer on ne s' en plaint pas.
À ces grains près (mais qui font partie intégrante de la nav sous ces latitudes), on ne pouvait rêver meilleures conditions pour traverser.
Et la nav dans tout ça ?
Qui dit belles conditions météo ne dit pas forcément belles sessions de nav. En effet, un temps trop beau et souvent synonyme de journée "moteur" par manque de vent.
Nous avons eu 4 journées et 4 nuits avec un vent très faible. Lorsque l'état de la mer permettait une vie à bord confortable nous restions ainsi à la voile à 3, 4 noeuds (vive le Parasailor). Mais faire le bouchon sur l'océan au gré de la houle croisée pendant des heures, c'est pas trop notre truc. Merci les Yanmar pour le coup de pouce ces moments là.
Tous les autres jours nous avons eu du bon vent : jamais trop fort (maxi 35 noeuds ponctuellement sous un grain), jamais rafaleux. Éole nous a offert un bon 15 noeuds de moyenne.
Une traversée de rêve comme nous n'osions plus en rêver à la lecture de nombreux recits d'équipages désenchantés à l'arrivée. Et bien si, elle existe cette transat avec farniente à l'ombre, lecture, écriture, bricolages, cuisine, nuits sereines...nous avons eu la chance de la vivre.
Les journées à 20/25 noeuds de vent ont été toutefois les plus fun. Ti'Amaraa filait et on s' est régalés du spectacle.
Quant aux allures, nous avons choisi de faire principalement du portant (vent arrière). Nous avons eu aussi un peu de travers avec une houle 3/4 arrière mais assez confortable.
Nous avons pas mal joué avec nos voiles d'avant. La première moitié de la route, nous  avançions au maxi la journée sous Parasailor ou avec Code Zero et Genois (voiles en papillon) en suivant un angle de vent supérieur à 120° puis nous reprenions du cap la nuit sous code zéro avec un vent plus de travers (90° à 120°).
Il ne faut pas imaginer tout de même que traverser c'est le Club Med. Il y a des moments où la voile c'est du sport. Changer le jeu de voile d'avant nécessite à chaque fois une bonne session de gym et histoire de se tenir en forme, la plupart du temps, on faisait ça au petit matin avant le p'tit dej.
Ajoutez à ces manip un zeste de bonne houle croisée qui vous fait tituber à chaque pas et vous pourrez imaginer la vie à bord certains moments.
Dès le 8ème jour, le vent arrière s'est établi, la houle a tourné arrière et l'Imperator Parasailor a assuré même sur les petits souffles d'air jour et nuit
en nous laissant remiser nos mitaines et autres manivelles de winch. C'est vraiment LA voile qu'il faut à bord si l'on veut faire du portant avec un tel cata sans embarquer un camion citerne de gasoil.
Comme dit le Cap :
"On régate pas, on se régale"
Alors,  oui on aurait pu faire plus vite, oui on aurait pu optimiser la route, oui on aurait pu réduire les voiles plus tard à la vue de grains, oui on aurait pu appuyer un peu plus au moteur les jours de vent molasson...oui mais ce n'aurait plus été le voyage de Ti'Amaraa et sa philosophie.  Tant pis pour les chronos et les tabloïds.
Ceci dit 16 jours de mer pour une lourde maison flottante à 2, avec 4 jours sans vent, on est très satisfaits. C'est honorable. Nous ne sommes pas des compétiteurs, nous sommes des globe flotteurs hédonistes.
Certains pourront penser que c'est ennuyeux et long.
Tiens, qu'avez vous donc fait de ces journées ?
Contre toute attente, peu de lecture au début du trip. L'envie de profiter  de l'univers dans lequel nous étions immergés et de l'aventure que nous vivons nous a empêché de nous plonger dans n'importe quelle fiction si bonne soit elle.
A l'exception toutefois à partir de la mitransat de 2 ouvrages : "le voyage autour du monde" de L.A De Bougainville pour l'un et "le dictionnaire amoureux de la mer et de l'aventure" de JF Deniau pour l'autre. Allez savoir ce qui nous a intéressé ?
Nous avons surtout discuté, écrit,  joué, visionné des films et des classiques de dessins animés, cuisiné, dormi aussi! Cela faisait longtemps que l'on n'avait pas pris le temps tous les 2 ainsi.
Qui dit cuisiner dit manger...Au sûr,  on s' est soignés pendant ces journées de mer. Il paraît que c'est important pour le moral de l'équipage.  Si beaucoup perdent des kilos sur cette route, il faut craindre que ce ne soit pas notre cas. Nous aurons le temps plus tard lorsque l'avitaillement se fera plus rare et plus cher aux escales.
Nous avons aussi eu une autre activité en première semaine....patience un article suit spécialement dédié à ce off transat...
Nous avons filmé des instants de cette vie et finissons de compiler tout ça pour vous l'offrir très vite. Une petite vidéo vaut plus que de long discours....Et là,  on commence à être un peu long.
Alors pour finir, nous voudrions juste souligner le plaisir que l'on a eu à recevoir vos messages avant, pendant et de vous lire à l'arrivée.
Comme publié précédemment,  l'arrivée a été très douloureuse compte tenu des circonstances familiales.  Le choc aussi violent que la joie était grande en nous.
Nous avons été profondément touchés par tous vos gestes et messages de soutien. 
Merci à tous et Merci à nos reporters en chef à terre !!
Sans oublier les échanges SMS Iridium réguliers en mer avec les équipages de Carabosse et de Marie Galante. Bien qu'à plusieurs dizaines de miles les uns les autres, nous avons fait route ensemble et c'était extrêmement bon (et rassurant aussi) !!!
À bientôt dans un beau mouillage les copains.
Le mot de la fin est et restera pour Ti’Amaraa qui est un bateau EXTRAORDINAIRE !!!
Vous l'aurez compris, nous sommes définitivement FANS !!
Prix, Autonomie,  Fiabilité,  Confort, Espace, Sécurité dans 39 petits petons.
Et nous dédions ce post à tous ceux qui critiquent le Lagoon 39, trop lourd, trop petit....une caravane...et blablabla et blablabla.
Bravo Zoulou* Ti'Amaraa !
*Bravo Zoulou : Message par lequel les autorités de la Marine Nationale après exercices, opérations... font savoir "terminé,  félicitations"
Jean François Deniau

3 commentaires:

  1. Un grand, grand bravo pour cette fabuleuse aventure. Même si la vie nous réserve des difficultês et des malheurs, elle nous permet aussi de vivre des moments intenses.

    Bisous à vous et joyeux Noêl....
    Richard
    Eden family

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  2. J'ai oublié, merci pour ce superbe récit... Vous n'avez pas eu du tout de problèmes???

    RicharD
    Eden family

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  3. Juste un ...à lire dans l'article off de la transat ;-)

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