Ca y’est Ti’Amaraa est aux
Canaries. Un peu comme l’arrivée à Namche Bazar, la Mecque des summiters, lors
de notre treck vers le camp de base de l’Everest, cet archipel représente une
étape mythique pour un bateau candidat au voyage. Nous avons beaucoup lu sur
ces îles, cette escale…et nous y voilà. Ti’Amaraa flotte paisiblement au
mouillage de Playa Francesa au pied de la Montana Amarilla. Notre Everest
approche, nous commençons à sentir le doux souffle de l’alizée sur nos
frimousses impressionnées.
Mais n’allons pas trop vite, nous
vous avions laissé à Rabat.
Le bateau a été préparé,
l’équipage aussi, la météo checkée…Il ne restait plus que les formalités de
sortie. La veille de notre départ, visite surprise à 22h30 du chef de la Police
du Port : « Oui ?... ».C’est juste pour nous informer
qu’une équipe cynophile montera à bord le lendemain matin vers 7h/7h30 pour un
contrôle. « OK.. »
A 7h pétantes, un gars vêtu de
noir tel un expert de série télé déboule sur le ponton avec un gros chien
assorti : Man & Dog in Black.
Le chien monte par les marches
tribord. Et là, stupeur ! A croire que Man in Black l’a fait patauger pendant
des heures dans la boue avant d’arriver. Le plat bord arrière est constellé de
coussinets marrons. En plus Dog in Black a la trouille, il recule, il piétine
sur la jupe arrière…Bref, il pourrit tout.
Nous essayons de ne rien laisser
paraître mais on se mort l’intérieur de la joue. On a passé la journée à le
mettre comme un bonbon not’ Ti’Amaraa ! On image déjà Doggy monté et
sniffé les coussins du carré, les lits… Aaarrrhhh…et tout ça pour chercher des
explosifs… A-t-on vraiment l’air de terroristes ? Quoique nos regards
doivent être un brin explosifs …
Transmission de pensées ou
expression in fine bien lisible sur nos sourires de façades, Man in Black
arrête tout. Il dit que ce n’est pas la peine, fait redescendre son partenaire
aux pattes boueuses et s’excuse du dérangement. « Non, ce n’est pas
grave…Allez, Au revoir… »
On se marrera bien de cet épisode
….enfin, après avoir tout nettoyé.
Ti’Amaraa peut alors reprendre le
chenal du fleuve Bouregreg toujours accompagné du pilote de la marina, puis
passe la digue. « Oh Capitaine, mon Capitaine, let’s go to the
Atlantic ! ». S’en suit une belle traversée de 4 jours et 3 nuits.
Cet article s’appelle « Ils
ont fait le job » car nous souhaitons en profiter pour lister et souligner
ici les équipements qui nous semblent indispensables pour ce type de traversée.
·
Le
pilote automatique ou un ami qui nous veut du bien :
Ah Nestor !
Notre chauffeur, notre pilote ! Il nous a donné quelques sueurs froides
jusqu’à sa halte technique au Portugal, mais depuis il s’est largement fait
pardonner. C’est une merveille ! Il est d’une constance étonnante. Nous
avons eu des mers peu faciles (de face, de travers) lors de cette traversée et
il est resté imperturbable. Même dans des creux de plus de 2 mètres de travers
par trois quart arrière, il n’a pas failli. A aucun moment, nous avons dû
prendre le relai à la barre. Merci Nestor ! Les quarts sont nettement plus
cool avec un bon pilote.
En plus, quel
silence ! Juste un petit bruit de vérin dans la coque babord. Rien à dire…
La consommation
électrique est aussi super faible si l’on définit un taux de réponse inférieur
à 3. Bien sûr, lorsque les conditions se compliquent, il faut augmenter à 5
voire 6 mais au vu des services rendus, il peut bouffer quelques ampères de
rab’. On est prêts à se passer d’une recharge de tablette numérique pour le
coup.
·
Le
radar ou des yeux de chat dans la nuit noire :
Autant pour le
dégolfage comme pour Gibraltar l’AIS avait été suffisant et précieux. Sur les
cotes marocaines, la mode ne semble pas être à l’utilisation de cet équipement.
Nous croiserons les 2 premières nuits beaucoup de bateaux mais quasi aucun avec
un écho AIS. Quelquefois même, les éclairages de nav’ étaient plus que
défaillants. C’est dans ces moments là que l’on est content que le radar prenne
le relai et décrypte ce que nos yeux peinent à interpréter…et en particulier
les trajectoires anarchiques des bateaux de pêche tous feux éteints (…s’ils ont
des feux ??).
Le radar donne
aussi des informations quant aux orages/grains en approche. Nous vivrons nos
premières pluies de nav’. Rien de bien méchant. Mais c’est tout de même sympa
de le voir arriver et d’anticiper un éventuel coup de vent.
Notre radar nous
aura aussi permis de croiser la route du Black Pearl. Vous savez celui de Jack
Sparrow ? Comment ? Super simple !!
Un début de
soirée entre chien et loup, un écho radar représente un bateau qui va couper
notre route perpendiculairement à moins d’un mile nautique. A cette distance,
on ne peut pas ne pas le voir ainsi que ses lumières…Mais rien… Un vaisseau
fantôme… L’echo radar (de plusieurs centimètres sur l’écran) s’est
progressivement éloigné sur notre Babord…On le cherche encore…
Compte tenu du
cap suivi, il faut croire que le prochain opus de Pirates des Caraïbes sera
Pirates en terres berbères….Sympa !!! (Et à toutes les mauvaises langues
qui sourient déjà : non, jamais d’apéros en nav, on vous jure !!!)
·
Le
tour de cockpit ou notre véranda vue sur mer :
Nous avons
longtemps hésité avant de choisir cette option, mais nous ne le regrettons pas.
Quel plaisir de passer les grains dehors mais au sec, les quarts de nuit à la
vigie sans être balayé par les vents et les embruns !
En traversée,
comme en escale d’ailleurs, nous profitons beaucoup plus du cockpit grâce à
cette option.
·
Les
fichiers Grib ou notre Evelyne Dhéliat numérique en moins sexy :
Via Zygrig ou
Weather 4DPro, nous avions téléchargé nos fichiers météo et préparé notre
route. Nous avons été bluffé par la précision des prévisions sur cette nav’ plus
océanique. Les effets de cotes et de caps disparaissant, nous avions des
données précises et justes tant en direction/angle qu’en vitesse. Le bon vent
était annoncé pour minuit. Il est arrivé à 0h30…C’est rassurant aussi !
·
Les
voiles ou comment jouer avec le vent
:
Avoir une petite
Grande Voile :
Et oui, nous
avons souvent entendu : « Ah oui, mais elle est vachement petite
votre GV ».
Et bien, on peut
vous garantir aujourd’hui, qu’avec des creux et du vent (ce qui est tout de
même assez fréquent en mer), galoper sur un roof rigide avec un bon
antidérapant pour aider à la descente des 2/3 derniers chariots d’une petite
surface de voile résiduelle est déjà générateur de pas mal d’efforts.
A chaque fois,
nous avons une pensée pour les équipages en équilibre sur des biminis souples avec
leurs grandes surfaces de Grandes Voiles essayant de s’accrocher avec les pieds
tels des perroquets à leurs perchoirs. Ca doit sacrément muscler les orteils et
les avant-bras.
Nous ne sommes
définitivement pas au niveau…
Quel bonheur de lâcher
légèrement la balancine et de pouvoir « travailler » avec un lazy bag
généreux (TAROT) à la hauteur d’un établi sur un « sol » plat et
stable.
Ferler sa Grande
Voile ou démêler une bosse de ris sont un plaisir !
Le
« petit » Génois (de chez « Incidences » aussi comme la GV)
s’est montré très gaillard au près à 40° du vent les 2 premiers jours malgré
une mer de travers peu propice. Appuyé avec un moteur, il nous a permis de maintenir
le cap voulu tout en augmentant notre vitesse moyenne.
Grande voile et
Génois nous ont ainsi offert des conditions de vie à bord confortables, bien
loin de nos souvenirs de nav’ au près sur notre monocoque. Cuisiner, manger et
faire ses quarts à plat sont un luxe que nous apprécions à sa juste valeur.
Puis, lorsque
l’angle du vent à franchi la barre des 90° (par rapport à l’axe du bateau),
nous avons pu redonner du service à notre voile Turbo. Aaah le Code Zéro TAROT!
Il est beau, il est puissant…On la kiffe cette voile.
Avec un vent
réel d’une bonne vingtaine de nœuds rafales à 30, nous avons filé vers les
Canaries à plus de 8 nœuds de moyenne. Cela nous aura permis de rattraper le
« retard » pris lors des jours au près.
Les manœuvres de
Code Zéro, Grande Voile et Génois sont très faciles à réaliser en équipage
réduit.
Le + : le
renvoi de l’enrouleur de Génois au poste de barre. Quel plaisir de nuit depuis
son poste de « vigie », lorsque le vent forcit d’enrouler sereinement
un peu de génois par une simple pression sur un bouton avec son orteil sans
avoir à sortir de la zone protégée qu’est le cockpit….Vous voyez qu’on utilise
nos orteils nous aussi.
Par ses
remarques, vous aurez compris que la Voile est pour nous un état d’esprit et de
voyage. Nous n’avons jamais appris la théorie. Nos réglages ne sont
certainement pas optimums…Mais bon, comment dire ?… On s’en fout… et comme
dirait Souchon : « On avance, on avance. On n’a plus assez d’essence
pour faire la route dans l’autre sens »
·
Open
CPN & SAS Planet ou Chapeau Messieurs les développeurs pour ces
logiciels gratuits :
Sur le traceur
Raymarine au poste de barre, nous n’avons pas les cartes de détail des
Canaries. Pour l’approche vers le mouillage, nous avons utilisé notre PC
portable spécialisé pour la navigation équipé de 2 logiciels gratuits :
OPEN CPN & SAS PLANET. Et ce fut capital !
Nous sommes en
effet arrivés à l’entrée du chenal entre Lanzarote et La Graciosa au coucher du soleil
A l’arrivée dans
l’anse de la Playa Francesa, il faisait nuit. Nous avons rapidement distingué 4
feux de mouillage mais la nuit, relativement claire, nous laisse discerner plus
de 4 bateaux. Certains sont donc non signalés : pas cool…surtout dans
cette baie réputée pour l’arrivée des bateaux en provenance de Gibraltar et du
Maroc à n’importe quelles heures... Bref…
Nous décidons
donc de mouiller à l’écart plus au Sud loin des ombres suspectes. Merci SAS et
OPEN CPN !! Les 2 combinés nous donnent des informations précises sur la
profondeur et le dessin de la côte. C’est la première fois que l’on mouille de
nuit dans une baie inconnue, et par 20/25 nœuds de vent, tant qu’à faire. On
fait confiance aux données, tout en balayant avec le gros spot à LED à l’avant
pour être sûr. Tout se passe sans problème. On se tient à une distance
raisonnable du bord : environ 150 mètres d’après l’image satellite de SAS.
L’ancre accroche immédiatement. Le compteur de chaîne semble confirmer les
profondeurs annoncées sur notre écran. Le bateau tient bien. Allez un pt’it
diner : Aux Canaries, c’est ravioli !! ben oui mais à plus de 22h et
la traversée dans les pattes, on n’a pas eu envie de beaucoup mieux. Direction
le lit, demain il fera jour, paraît-il …
Le lendemain
matin nous nous éjecterons du lit de bonne heure trop excités de voir où nous
sommes !! On découvre tout d’abord émerveillés le panorama magnifique tout
d’ocres et de marrons de cette plage déserte. Il y a 6 bateaux au mouillage (on
a les noms des 2 économiseurs de lumière).
N’y tenant plus,
le Cap sort son télémètre pour vérifier la distance réelle qui nous sépare de
la côte : 140 mètres…Yes !! Le Cap enfilera aussi son kit PMT pour
vérifier l’ancre et la profondeur. Tous les paramètres sont cohérents avec les
infos de la veille.
C’est rassurant
là aussi de savoir que l’on peut s’appuyer sur ces données numériques. Ca
n’enlèvera jamais bien entendu le sens marin mais un p’tit coup de pouce ne
fait pas de mal.
·
La
cinnarizine ou la came de la Cap’ :
Ce détestable
Voldemort n’est pas resté comme nous l’espérions sur les côtes européennes. Il
s’est attaqué à la Cap’ au départ de Rabat, la laissant pour la première fois
dans un état « proche de l’OHAIO ». Ce coup-ci c’est décidé, on teste
ce médicament, cette fameuse molécule que certains navigateurs nous ont
recommandée pour lutter contre les effets du mal de mer, histoire d’arrêter de
côtoyer cette bile débile. Marre du tête à tête avec le seau bleu…
Dans un article
précédent (libellé : santé), nous avions déjà parlé de ce médoc et surtout
de la façon dont on s’en est procuré car il n’est plus distribué en France.
Après un petit
somme sur la banquette du cockpit, une amélioration commence à se faire sentir.
L’état général de la Cap’ s’arrange.
Comme on connait
ses démons, on les honore, la prochaine fois on testera la prise du Stugeron
avant le départ et avant les effets, surtout après une période assez longue à
terre. Si seulement ça pouvait chasser cette « gueule de bois » du
premier jour de nav…
Bon, et dans tout ça, qui n’a pas fait le
job ?
Il faut bien un
mauvais élève. Pour le moment, le bonnet d’âne est sur le capot du dessal.
Depuis l’arrivée
sur Rabat, il refuse de produire de l’eau. L’équipe technique en France est sur
le coup. On espère bien être dépanné aux Canaries. Nous vous tiendrons informés
des résultats de l’élève Sea Recovery. En attendant avec l’option 2ème
cuve d’eau, nous avons 600 litres d’autonomie. Cela va nous permettre
d’attendre…un peu…
Ti’Amaraa est
donc aux Canaries pour les 4 prochains mois avant de repartir vers son premier
objectif : les Antilles, probablement via le Cap Vert.
4 mois, le temps
pour nous de nous occuper des aspects techniques/SAV, de profiter de la famille
et de gérer nos affaires (et notre avenir) en Métropole.
Amis lecteurs,
famille et proches : merci à tous pour votre suivi, vos messages et vos
encouragements.
Pour répondre
aux premières demandes relatives au bateau d’hôtes, le projet est toujours
d’actualité. L’activité pourrait démarrer aux Antilles au printemps prochain
(2015). Nous entamons la phase de publicité. On vous confirmera tout ça en
temps utile.
En attendant,
bon été à tous et à très bientôt pour la suite du Voyage de Ti’Amaraa.
Merci pour cet article fort intéressant. J'aurais deux questions pour vous la première étant! Je n'ai aucune expérience en navigation, j'ai bien touché quelque peu à l'aviation et je comprend l'effet du vent sur une voilure mais, est-il envisageable pour moi d'opérer les commandes d'un catamaran seul, aidé uniquement de mon épouse, qui elle nom plus n'y connait strictement rien. Comme nous envisageons la possibilité de sillonner les mers du sud dans une embarcation similaire à la vôtre, ma deuxième question étant, avez-vous eu recourt à personne qualifier pour vous aider lors de votre traversé de l'Atlantique. Ça fait déjà quelques années que je compare les différents armateur qui construire des catamarans et les Lagoons sont nettement en tête de liste, pour l'instant, pour une acquisition éventuel. Merci beaucoup d'entretenir en nous ce rêve qui pour vous est votre quotidient.
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